
Frédérique Bel, Emmanuel Mouret, and Fanny Valette in Changement d’adresse (2006)
[Editor’s note: My recent conversation with French filmmaker and actor Emmanuel Mouret was first published online in an English translation at Bright Lights Film Journal and subsequently in the new print edition of Contrappasso: Writers at the Movies.
Emmanuel Mouret has written and directed seven feature films. He is best known for his romantic comedies Changement d’adresse (Change of Address, 2006), Un baiser s’il vous plaît (Shall We Kiss?, 2007), Fais-moi plaisir! (Please, Please Me!, 2009), and the ensemble film L’art d’aimer (The Art of Love, 2011). Mouret’s new film Caprice has just opened in France.
These elegant comedies typically concern amorous misadventure in a timeless Paris. Mouret is also an actor, and his accomplished comic persona – a bumbling, shy, genial romantic – sets the tone of the films in which he chooses to appear. He frequently collaborates with the actors Frédérique Bel, Ariane Ascaride, Judith Godrèche, Virginie Ledoyen, and Dany Brillant.
Below is the original French conversation, conducted in the winter of 2014-2015 with the assistance of Arthur Chaslot. Or you can read Theodore Ell’s English translation – M.A.G.]
MÉLANCOLIE COMIQUE: UNE CONVERSATION AVEC EMMANUEL MOURET
MATTHEW ASPREY GEAR
MATTHEW ASPREY GEAR: Les critiques cinéma anglophones classent souvent votre travail dans la tradition d’Eric Rohmer et Woody Allen. C’est probablement du journalisme paresseux. En tant qu’acteur et réalisateur quelles sont vos influences, tant françaises qu’internationales?
EMMANUEL MOURET: Mon admiration pour Eric Rohmer et Woody Allen n’est pas fausse, mais d’autres maîtres m’influencent ou, plus précisément, me stimulent énormément. Je pense à Ernst Lubitsch, dont les films constituent une sorte d’absolu, face à ses oeuvres nous nous sentons en communication direct avec un esprit qui nous rend plus intelligent et tolérant que ce que l’on pensait être. J’éprouve une immense sympathie pour certains films de Blake Edwards ou de Billy Wilder. Les comédies de Jacques Becker et notamment Edouard et Caroline, les films de Sacha Guitry, ceux de Truffaut, Ophüls, et beaucoup d’autres. Cependant je dois confesser que j’ai également un goût très prononcé pour le mélodrame, en particulier ceux de Douglas Sirk, John Stahl et bien évidemment Leo Mac Carey qui réussi tout aussi bien dans les deux genres.
ASPREY GEAR: Comment êtes-vous devenu réalisateur?
MOURET: Grace à un désir, que j’avais enfant, de faire du cinéma. J’ai fait très jeunes des court-métrages, j’ai étudié le scénario, l’art dramatique, puis je suis entré à l’école national de cinéma (la FEMIS). Mon film de fin d’études a été remarqué (Promène toi donc tout nu, [1999]), ce qui m’a permis aussitôt de réaliser mon premier long-métrage [Laissons Lucie faire!, 2000].
ASPREY GEAR: Pouvez-vous expliquer comment vous développez vos script? Par exemple, pouvez-vous raconter les origines de Changement d’adresse?
MOURET: Je ne me souviens plus très bien. Je passe beaucoup de temps sur la mécanique du récit, les articulations, la structure, puis je rédige assez vite pour retrouver une certaine fraîcheur. Souvent je pars d’une situation fantasmée et j’en imagine les conséquences. Pour Changement d’adresse, cela devait être : Et si je vivais en colocation avec une jeune femme aussi fantasque, que se passerait-il ? Ou encore : Et si l’on tombait amoureux sans s’en apercevoir, se trompant même de personne ? Mes personnages en général essayent de bien faire les choses, mais leurs sentiments , leurs désirs les tirent ailleurs, alors ils doivent « négocier » avec eux mêmes. Et ça m’intéresse parce que je me reconnais, ça peut être très compliqué et drôle comme douloureux.
ASPREY GEAR: Vous apparaissez rarement en tant qu’acteur dans les films d’autres réalisateurs. Être acteur est-il une priorité pour vous?
MOURET: Pas du tout, je ne me sens pas acteur. J’avais joué dans mon film de fin d’étude (Promène toi donc tout nu) pour faire comme les cinéaste-acteurs, pour voir ce que ça faisait. Mais le premier producteur avec lequel j’ai travaillé voulait me produire un film à condition que je joue dedans. Je l’ai fait, mais pas pour mon deuxième film [Vénus et Fleur, 2004]. Lorsque j’ai donné dans des essais la réplique à Frédérique Bel pour Changement d’adresse, le producteur (celui avec qui je travaille encore aujourd’hui) a insisté pour que je joue dans le film. Je l’ai fait. Depuis je joue assez régulièrement dans mes films. Mais il s’agit d’une exclusivité, je n’ai pas envie de jouer dans d’autres films.
ASPREY GEAR: Pouvez-vous parler des avantages et des difficultés de travailler dans l’industrie du cinéma français en ce moment?
MOURET: Le système de financement français permet pour l’instant la création d’un nombre de long-métrages bien supérieurs à nos voisins européens. Ce système fonctionne plutôt bien, mais il repose évidemment sur une volonté politique qui impose à des chaines de télévisions un investissement de leur chiffre d’affaire dans le cinéma français. Espérons que cette volonté demeure à l’avenir, et que la perte de vitesse de la télévision face à internet soit compensée par ces nouveaux médias, qui par ailleurs diffusent énormément de films sans contre-partie.
ASPREY GEAR: Votre dernier film Une autre vie marque un changement de direction par rapport à vos précédentes comédies romantiques. Que pouvez-vous dire de votre prochain film Caprice? Quels sont vos plans futurs?
MOURET: Caprice est clairement un retour à la comédie, même si certains y trouvent une mélancolie héritée du film précédent. Actuellement je prépare une nouveau film qui s’appelle, pour l’instant, L’amour à deux… quand on est plusieurs. Une mélancolie comique, librement inspirée de la Ronde d’Ophüls.